Nos réflexions

Chaque année durant les moments d’organisation, le collectif Les Limaces prend un temps de réflexion pour affiner nos positionnements et notre structure en fonction des défis auquel nous faisons face.

Le droit à l’erreur et à la confrontation

Nous essayons de rendre nos événements les plus inclusifs possibles. Tu n’as pas besoin d’avoir un brevet militant pour venir. Cependant, les comportements et paroles oppressives ne sont pas tolérées. Nous attendons des participantexs qu’iels soient prêtxes à se remettre en question et à apprendre à faire mieux, même si cela est parfois inconfortable d’être confrontéxes par d’autres à ses propres comportements oppressifs.

Durant les Trouvailles, une équipe Ressource est à disposition pour répondre aux questions. Si tu souhaites en discuter avec une personne concernée, demande-lui d’abord s’iel est disponible. N’exigeons pas de tout le monde d’être tout le temps disponible pour faire de l’éducation. De manière générale, si tu penses que ce que tu vas dire ou faire va gêner quelqu’unxe, c’est qu’il vaut mieux t’en abstenir.

Pourquoi la mixité a changé en 2024 ?

Après quatre éditions des Trouvailles en mixité choisie sans hommes cis, la cinquième édition a inauguré un changement quant à sa mixité. Depuis 2024, le seul critère pour pouvoir venir aux Trouvailles est de s’engager à ne pas perpétuer des comportements, discours et attitudes « terf1, macho, facho ou relou ».

Toutefois, nous sommes conscientex que la mixité choisie peut être un outil utile et nécessaire dans certains cadres, notamment pour échanger autour d’oppressions communes. Il est d’ailleurs toujours possible de proposer durant les Trouvailles des ateliers ou des moments avec tous types de mixités choisies.

Nous avons ouvert cette discussion autour de la mixité lors de l’édition 20232 et organisé des temps de discussion collectifs en partant du principe que nous sommes en constante évolution et adaptation. Ce texte fait part de ce qui a motivé ce changement.

La mixité choisie sans hommes cis nous questionne à plusieurs endroits : 

Pourquoi une différence supposée entre la masculinité trans et la masculinité cis justifie-t-elle la présence des uns et l’exclusion des autres ? Pourquoi profite-t-elle principalement aux femmes cis-hétéro et comment ? Quelle place laisse-t-elle aux personnes non-binaires et/ou en questionnement de genre ? Pourquoi les femmes trans et les personnes transféminines ne s’y sentent pas bienvenues ? Pourquoi les hommes trans et les personnes transmasculines ne s’y sentent pas bienvenus non plus ?

La mixité sans hommes cis bénéficie principalement aux femmes cis-hétéro qui dans ce contexte se retrouvent en haut de l’échelle des oppressions et les seules à se sentir complétement légitimes dans ces espaces. Cette mixité part de l’idée que les hommes sont une menace ou un danger pour les femmes, et que les retirer de l’équation permet de créer une espace « safe » ou sécurisant pour ces dernières. Mais ce concept repose entièrement sur une pensée binaire et essentialiste, ce qui ouvre la porte à des comportements transphobes mettant en danger les personnes queers.

Ainsi, vouloir se défaire de la mixité choisie sans homme cis, c’est questionner la dualité masculin-féminin à laquelle cette exclusion contribue malgré elle. En se décentrant, on peut se rendre compte de plusieurs effets négatifs que causent l’exclusion des hommes cis :

L’un est la misandrie intériorisée. Cette exclusion conforte une vision de la masculinité comme toxique en soi, faisant d’elle une caractéristique à éviter avec la croyance que « sans, c’est plus léger et moins dangereux ». Sauf que pour les hommes trans et les personnes transmasculines, la masculinité n’est pas à rejeter mais bien une partie de leur identité. La masculinité est un spectre bien plus large qui s’approprie et se performe selon les désirs de chacunxes.

Un autre effet négatif est le « gender policing » soit le fait de surveiller/contrôler les personnes en fonction de la perception de leur genre ce qui est un comportement transphobe puisque qu’il implique de se baser sur des caractéristiques physiques, des stéréotypes et des aprioris. De fait, la règle de la mixité choisie sans homme cis implique de s’assurer que des hommes cis ne viennent pas. Elle induit un contrôle injuste à base de « t’es qui? c’est quoi ton genre? tu sais où tu mets les pieds? » ce qui crée un climat de suspicion qui mène à des violences et de l’exclusion

Dans un cadre qui considère le masculin comme menaçant, il incombe aux personnes queers de prouver leur innocence et de maintenir l’illusion du « safe space » dans le but de limiter l’inconfort des femmes cis-hétéro, ce qui est une charge mentale excessive. Ainsi, les personnes queers mais aussi les personnes en questionnement de genre hésitent ou renoncent à venir. Si iels décident de prendre ce risque, le contrôle qu’iels doivent avoir sur leur apparence et comportements induit un état de vigilance épuisant.

Face à ce constat, nous avons pris le temps de discuter et de réfléchir à ce sujet au cours de plusieurs rencontres et sommes arrivéxes à la décision de renoncer à la mixité choisie sans homme cis au profit d’un système qui cible non pas les identités des personnes mais leurs comportements

Partant du principe que nos identités ne nous empêchent pas de perpétuer des comportements violents et/ou oppressifs, nous proposons de recadrer la mixité choisie sans homme cis par la construction d’un espace « sans terf, sans macho, sans facho, sans relou ». Ces termes sont justement choisis car ils catégorisent des personnes qui portent en elles l’intentionnalité de nuire. Ces individus que nous ne voulons pas accueillir sont ceux qui par leur actes ou leur complicité perpétuent et défendent des systèmes qui oppriment les personnes trans, les personnes racisées et les femmes.

Néanmoins nous ne croyons pas qu’il soit possible de créer des espaces sans ces violences systémiques. Soyons clair, l’objectif n’est pas de faire les flics et d’interdire tout comportement oppressif car ce n’est pas réaliste. Nous défendons le principe du droit à « l’erreur responsable » qui implique d’avoir une posture d’écoute, de remise en question et d’apprentissage.

Les Trouvailles encouragent à venir en étant soi, peu importe là où en on est, car ce qui compte c’est là où nous allons collectivement. Nous souhaitons partager la charge mentale de construire des espaces où il est possible et confortable pour touxtes de créer du lien, d’apprendre, de s’émanciper, de s’organiser et de se reposer. Il est primordial que le travail de care ne retombent pas que sur les épaules des personnes queers et que nous gardions en tête le principe d’une responsabilité de touxtes pour le bénéfice de touxtes.